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23 novembre 2018 5 23 /11 /novembre /2018 18:26

Nous allons essayer de faire parler les chiffres : les statistiques agricoles assez précises du XIXème siècle nous permettent d'en apprendre un peu plus sur le mode vie de nos aïeux.

 

Les chiffres concernant l'élevage ovin, sujet plusieurs fois abordé sur ce blog, nous intéressent particulièrement puisqu'il était la base de notre système agronomique. Une idée reçue voudrait que Lencouacq en ait été un des derniers refuge. Que nous diront les chiffres à ce sujet ?

Autre idée à modérer serait que la forêt a tordu le coup aux troupeaux. Or dans notre article intitulé "Les productions de Lasbordes 3 " nous nous étions aperçus qu'à Arue (au moins) cet élevage avait perduré assez longtemps (pour finalement disparaître) grâce aux comptes de plusieurs métairies de notre quartier au début du XXème siècle.

Nous avons donc choisi de comparer ces données entre les communes d'Arue et de Lencouacq (au lieu de Cachen par exemple) car si elles sont voisines elles présentent à la fois des ressemblances évidentes mais aussi des différences. Arue avec une surface de 4811 hectares est deux fois plus petite que Lencouacq (9662 ha) et avec des population de respectivement 775 habitants et 1173 habitants (chiffres de l'annuaire administratif de 1849) nous obtenons une densité de 16 habitant au km2 pour Arue et de 12h au km2 pour Lencouacq. De même nous avons estimé à partir du recensement de 1819 le nombres des maisons à 80 à Arue et 132 à Lencouacq.   Mais si Arue entoure la petite ville de Roquefort, Lencouacq, elle, s'ouvre au nord vers les immenses étendues de la haute Lande.

En 1836 le ministre du commerce Hyppolyte Passy demande par sa circulaire du 12 juillet 1836 de dresser un inventaire des bestiaux par département et par commune. C'est ce premier document assez complet que nous allons étudier et comparer à une autre statistique de 1936. Entre temps nous prendrons d'autres renseignements dans les statistiques de 1841 et 1851.

Archives départementales des Landes 6 M art.652

Archives départementales des Landes 6 M art.652

Nous apprenons donc que pour 1836  en ce qui concerne les bovins Il n'y avait pas de taureaux dans aucune des 2 communes, 0 vaches à Arue, 5 à Lencouacq et donc pas de veau à Arue et 2 à Lencouacq. Mais 92 boeufs à Arue pour 42 à Lencouacq.

Ces chiffres nous disent donc qu'il n'y avait pas d'élevage de bovin, (pas de taureaux) que les vaches vraisemblablement des vaches de travail ne portaient pas tous les ans des veaux ce qui explique le nombre de 2 veaux pour Lencouacq. La présence de 92 boeufs à Arue et seulement 42 à Lencouacq nous révèle donc une force de travail des champs plus importante à Arue qu'à Lencouacq : 41 paires de boeufs pour 80 maisons dont toutes n'étaient pas des métairies mais aussi des brasseries c'est à dire sans animaux de trait. Le prix du Boeuf était évalué à 130 f cette année là, chiffre à comparer à celui du cheval (local).

Nous nous voyons confirmés que les bovins constituaient donc seulement une force de travail.

 Remarque tirée des statistiques cantonales de 1851

L'autre possible force de travail concernait les équidés. Pas d'ânes à Arue ou à Lencouacq (11 seulement sur le canton), 6 mules à Arue, 0 à Lencouacq par contre 4 chevaux (à 50f ) et 15 juments (à 60f ) à Arue pour 30 chevaux (à 60f ) et 37 juments (à 70f ) à Lencouacq.

Ces chevaux étaient vraisemblablement de petits chevaux de race locale peu utilisables dans les champs  ce qui expliquerait leur faible valeur par rapport à celle des boeufs. Ci dessous inventaire après succession où paraissent des juments (Arue). A noter aussi que bon nombre de délits à cette période concernent les vols de chevaux.

 

 

Inventaire complémentaire à la succession de Loustaounaou (Arue) 1847

Inventaire complémentaire à la succession de Loustaounaou (Arue) 1847

Autres chiffres, ceux de l'élevage des porcs : 50 à Arue (moins d'un par foyer) et 180 à Lencouacq. Là aussi nous verrons avec les données sur la consommation de viande que les porcelets étaient achetés pour être élevés et consommés.

Absence de chèvres aussi bien à Arue qu'à Lencouacq, elles étaient rares dans le canton sauf à Maillas où l'on en comptait 500 !

Nous en arrivons donc aux ovins avec un cheptel total de 4055 pour Arue et 7002 pour Lencouacq. Béliers respectivement 55 et 82, brebis 3000 et 5000, agneaux 1000 et 1310, enfin moutons (mâles castrés) 0 et 610.

Si on fait l'hypothèse d'un bélier par troupeau (bien que sur de grands troupeaux il puisse y en avoir 2 ou 3) cela nous donnerait pour Arue 55 troupeaux de 54 brebis et pour Lencouacq 61 troupeaux de 82 brebis. Les troupeaux seraient plus grands à Lencouacq ? Il serait intéressant de vérifier sur des comptes et des inventaires si la tendance de ce calcul se vérifie dans la réalité; cela pourrait sembler logique compte tenu des grands espaces au nord de la commune de Lencouacq. Quant au nombre d'agneaux 1000 à Arue et 1310 à Lencouacq auxquels il faut ajouter tout ou partie des 610 moutons il révèle une orientation différente dans l'élevage : la production de viande pour Lencouacq en comptant sur un agneau pour trois brebis, mais on savait déjà que nos brebis landaises, sobres, rustiques et résistantes n'étaient pas connues pour leur fertilité. 

 

Enfin sur les dernières colonnes du document, paraissent des chiffres sur la consommation de viande et son prix.

Pas de boeuf ni de vache consommées dans aucune des deux communes. Le prix est de 60f au kilo pour le boeuf.

Arue comme Lencouacq consomme tous ses porcs (évalués à 50f du kilo).

Pour les ovins Arue consommait 40 agneaux sur 1000 et Lencouacq 200 sur 1310 (50f/kg),

200 brebis (30f/kg) à Arue et 450 (40f/kg) à Lencouacq qui consommait aussi 80 de ses moutons (55f/kg) et enfin Arue à consommé également 3 béliers.

On voit donc la relative cherté de la viande qui a conduit les habitants de nos 2 communes à consommer principalement  des produits de leur élevage ovin, essentiellement des brebis de réforme, et du porc, en salaisons, les porcelets venant des régions voisines et élevés sur place pour l'autoconsommation.

Remarque tirée des statistiques cantonales de 1851

Autre enseignement que l'on pourrait tirer de ces chiffres est la vocation plus cultivatrice d'Arue (nombre de boeufs de travail) alors que Lencouacq semblerait plus tournée vers l'élevage (plus de chevaux et moutons).

 

Passons au chiffres de 1936, soit cent ans plus tard. Par catégorie, nous citerons en premier le chiffre pour la commune d'Arue et en second celui de celle de Lencouacq.

En 1936 donc nous retrouvons seulement 38 boeufs pour Arue et 16 pour sa voisine alors que le nombre de chevaux progresse, respectivement 91 et 129. Je pense que contrairement à la période précédente, on retrouve dans ce nombre davantage de chevaux lourds utilisés pour les labours en remplacement des boeufs dont le nombre à chuté très nettement; les tracteurs étant encore rares à cette époque.

Les mules 8 et 31 font leur apparition, on en trouve nettement plus à Lencouacq : elles étaient surtout employées au débardage et au transport du bois. Lencouacq s'est bien boisée depuis 1836.

Pour les ânes on en relève 2 dans chaque commune. Sur les 2 que compte Arue, 1 était chez mon arrière-grand-mère à Castelfranc et attelé il allait souvent jusqu'en Armagnac.

Les vaches ne sont plus toujours des vaches de trait, et on en retrouve respectivement 78 et 150. Et ces vaches ont donné 32 veaux à Arue et 100 à Lencouacq auxquels s'ajoutent 50 braus ou génisses. On a affaire davantage à de l'élevage par rapport à 1836 même s'il n'y a toujours pas de taureau dans nos 2 communes.

Pour les ovins, la baisse est très nette mais avec la confirmation de ce qui s'était dégagé dans les chiffres que j'avais étudié pour notre quartier d'Arue dans l'article " Les productions de Lasbordes 3 " à savoir que malgré le boisement en 1900 il restait encore de nombreux moutons dans notre quartier (562 têtes réparties sur 5 maisons). Les chiffres de 1936 donnent donc : béliers 14 et 8, brebis 670 et 240 , agneaux 110 et 40. Lencouacq passe donc de 5000 brebis en 1836 à 240 un siècle plus tard ce qui tend à aller à l'encontre de l'idée que ce serait un des derniers endroit où se serait conservé l'élevage traditionnel alors qu'Arue passe de 3000 à 670 brebis.

Toujours pas de chèvre et on a un bout d'explication : sur les statistiques cantonales de 1841 on nous dit qu'elles ont été expulsées du canton depuis quelques années. Pourquoi ??

 

A partir de quelques statistiques agricoles. (1)

Enfin les porcs : 278 et 550. Les chiffres ont considérablement augmenté en un siècle et il s'agit vraisemblablement encore d'autoconsommation (en remplacement de la viande ovine) et on arrive à une moyenne supérieure à 3 porcs par maison.

 

Dans la suite de cet article, nous essaierons de répondre à la question que nous nous étions posée sur la corrélation entre le nombre de boeufs et la pratique de la culture.

 

 

Sources : 

Chiffres 1836 : AD 6 M art 652

Chiffres 1841 : AD 7 M art 265

Chiffres 1851 : AD 7 M art 266

Chiffres 1936 : AD 6 M art 693

Recensement de 1819 :  AD 6 M 92

Annuaire administratif judiciaire et industriel pour les  Landes de 1849.

Comptes des Métairies du quartier de Castelfranc autour des années 1900.

A consulter également le recensement de 1866 qui recense aussi les animaux !

A relire  quelques articles de ce blog sur les moutons, les boeufs, l'environnement naturel à l'époque de Pierre Labbé ...

 

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